PHOTOGRAPHIE | Florian Fouché, Le Musée Antidote

Le Musée Antidote
Florian Fouché

Les photographies présentées à l’occasion de la biennale de Rennes sont choisies parmi un ensemble réalisé au Musée du Paysan
Roumain en 2010 et 2012. Elles sont présentées derrière des vitres dressées verticalement sur des supports muraux.


Le Musée Antidote

&

Séminaire Des Territoires, Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris
Mercredi 5 décembre, 18H00


Seminaire Des Territoires


"En 1989, la révolution du peuple roumain met fin à la dictature de Nicolae Ceauşescu. L’une des premières grandes décisions de la
politique culturelle du nouveau gouvernement consiste à rouvrir le musée de Bucarest consacré à l’art populaire roumain.
L’institution hérite du bâtiment du Musée National construit lors de la fondation du musée en 1906, et détourné pendant plus de 40
ans pour abriter le Musée du Parti Communiste roumain.
Dans ce contexte de réorganisation culturelle et politique, comment réactiver la lisibilité de l’art populaire roumain ? L’enjeu est
double : il faut d’abord reconsidérer le rôle du musée d’origine créé au moment de l’essor des musées consacrés au « folklore »
en Europe et de l’enthousiasme particulier que suscitent les productions roumaines dans ce domaine ; il faut surtout montrer
au peuple une richesse mystifiée et caricaturée pendant plus de 40 ans par un régime autoritaire qui l’a mise au service de son
idéologie.
Nouvellement nommé ministre de la culture, l’écrivain et philosophe Andrei Pleşu choisit Horia Bernea (1938-2000) pour inventer
l’institution qui doit signifier cette réorganisation culturelle et politique : un « Musée barricade » nommé dorénavant Musée du
Paysan Roumain. Bernea est peintre et il a une grande familiarité avec l’art populaire roumain. Il est imprégné par
l’expérience de son père l’ethnologue Ernest Bernea (1905-1990), connu pour ses recherches de terrain dans les villages roumains.
Horia Bernea s’adresse en priorité à ses concitoyens à partir d’un objet supposé commun qu’il nomme « création paysanne ».
L’institution doit donc être remodelée ; la scénographie entièrement renouvelée. Le nouveau directeur invite de jeunes artistes à
collaborer dans ce sens et complète ainsi son équipe de conservateurs et ethnologues. Pendant plus de dix ans, la circulation des
pratiques et des savoirs est la règle de ce grand chantier collectif. Dans le musée « à l’état perpétuellement naissant » les salles
ouvrent et se transforment successivement. Parmi les proches collaborateurs, Irina Nicolau (1946-2002) joue un rôle
particulièrement actif: elle rêve un « Musée antidote » et signe trois salles parmi les plus extraordinaires et les plus provocantes du
musée, déplaçant et complètant l’approche de Bernea".

Florian Fouché, septembre 2012

« Le Musée Antidote (M.A.) : Mode d’emploi »
par Irina Nicolau, 1996

1. Le M.A. est recommandé dans les convalescences culturelles, sociales et politiques (périodes de transition).
2. Le M.A. n’admet pas de recettes. Son succès est dû à sa diversité et à sa mobilité.
3. On ne va pas au M.A. comme à l’église, ni comme à l’école, au tribunal, à l’hôpital, ou au cimetière, mais comme au musée.
4. Le M.A. est le musée du « voilà ». Ses prétentions elliptiques libèrent l’objet des poncifs, de toute connexion stéréotypée.
5. Au M.A. on vient voir des objets. Les revoir ou les découvrir.
6. Dans le M.A. le visiteur a un seul droit, celui de regarder.
7. L’objet présenté par le M.A. est un objet (pas un témoin, pas une marchandise etc.).
8. Le M.A. ne veut pas séduire. Il ne vend pas de souvenirs, il ne nourrit pas. Il ne dorlote pas les enfants. Il fatigue.
9. Le M.A. montre et cache aussi. Il s’adresse aux personnes disposées à y investir (du temps, de l’imagination).
10. La cure du M.A. peut durer de un à trois ans.
11. Après la rémission de la maladie, le M.A. doit être repris de temps en temps, pour prévenir le syndrome M.B. (Musée Blasé). Je recommande de laisser ce médicament à la portée des enfants.