La Mer Noire, Carrefour Des Grandes Routes Intercontinentales 1204-1453

Dès sa constitution en tant qu'Etat indépendant, dans la seconde moitié du XIVe siècle, la Moldavie est devenue l'un des secteurs de la rivalité constante entre les deux royaumes catholiques voisins, la Hongrie et la Pologne. L'enjeu principal de cette rivalité qui a constitué le cadre international de l'existence de l'Etat moldave au XIVe et au XVe siècles a été le contrôle des grandes routes commerciales qui liaient l'Europe centrale et la Baltique à la Mer Noire et de leurs points d'aboutissement, Kilia (Lycostomo), sur le Bas-Danube et Cetatea Alba, à l'embouchure du Dniestr. Faisant dès 1387 son choix entre les deux rivales, la Moldavie avait accepté la suzeraineté de la Pologne, dont le poids international s'était sensiblement accru du fait de son union avec la Lituanie. Pendant tout un siècle les liens de suzeraineté-vassalité qui s'étaient établis entre la Pologne et la Moldavie ont constitué la dominante de la politique extérieure de la principauté moldave. Les tentatives réitérées de la Hongrie de défaire ce lien afin de ramener la Moldavie sous sa coupe furent finalement toutes vouées à l'échec. Cette rivalité polono-hongroise constante et aux nombreuses vicissitudes dont l'exposé dépasse le cadre de notre étude a connu un brusque rebondissement dans les années qui ont suivi la ca­tastrophe de Varna (1444) et la séparation des deux royaumes rivaux, récon­ciliés tant bien que mal pendant quelques années sous le sceptre du roi Vladislav Jagellon. Décidé plus que jamais à reconstituer un front anti-ottoman sur toute la ligne du Danube, Jean Hunyadi s'efforça de ramener la Valachie et la Moldavie sous son contrôle, tentative qui devait lui réussir dans les mois qui ont précédé la nouvelle épreuve de forces entre la Hongrie et l'Empire ottoman à Kossovopolje (octobre 1448). En effet, au cours des dernières semaines de 1447, le gouverneur de Hongrie descendait en Valachie où il se débarrassait du voïvode Vlad Dracul qu'il faisait décoller sous accusation de trahison; et à peu près simultanément, il lançait en Moldavie l'un de ses protégés, le prétendant Pierre, qui s'emparait du trône moldave au début de l'année suivante. Mais sachant que la Pologne ne pouvait se résigner à ce changement de voïvode qui modifiait en outre l'orientation politique de la Moldavie et que des préparatifs mili­taires étaient en cours en Pologne à cette fin, Hunyadi fit une démarche auprès du roi Casimir en lui demandant de surseoir à la campagne projetée et de remettre à plus tard - c'est-à-dire après son retour de la guerre contre les Turcs - la solution, à l'amiable, de la question moldave. Mais comme les arguments du gouverneur n'eurent pas prise sur le roi de Pologne et comme une aide militaire hongroise efficace n'était plus à espérer dans l'immédiat, le nouveau voïvode de Moldavie finit par faire, comme tant de ses prédécesseurs, acte de soumission envers la Pologne en acceptant, le 22 août 1448, à son tour, la suzeraineté polonaise. Une fois de plus, la Hongrie perdait le bénéfice politique d'une action militaire réussie. Néanmoins cette fois-ci elle avait su s'assurer d'un avantage essentiel, en s'emparant de la forteresse de Kilia que le voïvode Pierre avait été obligé à lui céder et où le gouverneur fit installer une garnison hongroise qui devait y rester de nombreuses années encore. Cependant le carrousel des voïvodes se succédant au trône et des influences hongroise et polonaise se supplantant successivement en Moldavie continua au cours des années suivantes. En automne 1449 un nouveau coup de main y instaura un voïvode favorable à la Hongrie, Bogdan, qui par deux fois fit hommage à Jean Hunyadi. Malgré une grande campagne polonaise tendant à l'y déloger, le protégé du gouverneur de Hongrie réussit à se maintenir au pouvoir pendant deux années. Mais ce qui n'avait pas réussi à l'armée polonaise fut réalisé par un complot (1451) dont l'auteur, le prétendant Pierre Aron, ne devait d'ailleurs pas être le bénéficiaire. Une nouvelle intervention militaire de la Pologne, réussie cette fois-ci, restaurait en la personne du voïvode Alexandre la suzeraineté polonaise en Moldavie (1452). Le prétendant écarté ne se résigna pas pour autant et dès l'année suivante il reparaissait sur la scène politique moldave. Après avoir partagé un temps, avec le voïvode Alexandre, le territoire du pays, il réussit finalement à évincer complètement du trône ce dernier et à restaurer l'unité territoriale de la Moldavie sous son autorité, au cours du printemps de l'année 1455.C'est à ce point de l'évolution de la situation politique de la Moldavie et de la concurrence polono-hongroise pour le contrôle du pays que l'ultimatum de Mehmet II vint ajouter un élément nouveau de premier ordre au cadre international traditionnel de l'histoire moldave au XVe siècle. Du fait de l'intervention de l'Empire ottoman dans le jeu des puissances rivales, le choix que la Moldavie devait traditionnellement faire entre les deux suzerainetés - hongroise et polonaise - qui s'offraient à elle avec un égal empressement allait revêtir désormais une signification nouvelle. Dorénavant, ce choix allait comporter une attitude explicite par rapport à la question ottomane. Car, en s'alignant sur la Hongrie, la Moldavie ne pouvait que s'associer à l'effort de guerre de ce pays contre l'Empire ottoman, vu que, malgré les trêves qui l'ont interrompue, la guerre entre les deux puissances a eu au XVe siècle le caractère d'une con­frontation permanente; tandis que, en acceptant la suzeraineté de la Pologne, la Moldavie allait inévitablement partager l'attitude con­ciliante de la puissance suzeraine envers la Porte ottomane et se rallier au compromis polono-turc, dont elle devait d'ailleurs devenir à la fois l'objet principal et l'intermédiaire. C'est au voïvode Pierre Aron qu'allait incomber la tâche de fixer pour son pays le choix décisif.Maître de la Moldavie dès le printemps 1455, Pierre Aron fit aussitôt ses options de politique extérieure en acceptant à la fois la suzeraineté de la Pologne et en se soumettant à l'exigence du sultan de lui payer le tribut.La succession des faits nous est relativement bien connue. Le roi Casimir, qui avait manifesté l'intention de chasser Pierre Aron du trône, lorsque la nouvelle du nouveau renversement en Moldavie lui avait été rapportée, finit par céder aux instances de "l'usurpateur", qui s'était engagé à réintégrer aussitôt et sans réserves la suzeraineté polonaise. Concluant une série de négociations, l'engagement assumé par le voïvode moldave le 1er octobre 1455, à Hotin, en présence d'une ambassade polonaise solennelle, rétablissait une fois de plus les rapports traditionnels entre les deux pays. Le voïvode moldave acceptait, en effet, de reconnaître dans la personne du roi de Pologne son unique suzerain et s'engageait à lui prêter l'auxilium contre tous ses ennemis. Un hommage effectué par le voïvode moldave selon le rituel traditionnel et à une date que le roi Casimir se réservait le droit de fixer devait consacrer le lien nouvellement rétabli.En même temps que ces négociations, d'autre non moins impor­tantes se poursuivaient à la Cour ottomane. Le 5 octobre 1455, dans une lettre adressée au voïvode moldave, le sultan Mehmet II prenait acte de la décision de Pierre Aron de se soumettre enfin au tribut exigé depuis plus de deux années et dont le montant avait été fixé à 2000 ducats. C'est à son logothète, Mihul, personnage de premier plan dans l'histoire de la Moldavie à "l'époque des troubles", que le voïvode Pierre Aron avait confié la mission délicate de mettre un terme à la tension qui avait caractérisé, après 1453, les relations de son pays avec l'Empire ottoman. La lettre du sultan qui annonçait l'arrivée du logothète porteur de l'acquiescement de la Moldavie au tribut fixait un terme limite de trois mois, au bout duquel l'intention déclarée du voïvode moldave devait prendre corps et le premier tribut devait être effectivement remis à la Porte.Cette double initiative de la diplomatie moldave allait être renforcée encore l'année suivante. En effet, après avoir fait entériner par une grande assemblée des boyards la décision d'accepter le tribut exigé par le sultan, le voïvode Pierre Aron, couchant une nouvelle fois sur parchemin sa fidélité inconditionnelle envers le roi Casimir, le 29 juin 1456, fixait minutieusement les termes de l'obéissance totale à laquelle il s'engageait. En sus des obligations antérieurement assumées, le voïvode s'engageait à ne pas aliéner des territoires appartenant à son pays et même à récupérer ceux qui l'avaient été - allusion évidente à Kilia qui se trouvait encore sous le contrôle d'une garnison hongroise -, à fournir à son suzerain un contingent qui devait lutter à ses côtés contre l'Ordre teutonique où, les cas échéant, contre les Tatars. Quelques semaines plus tôt, le 9 juin 1456, Mehmet II octroyait aux commerçants de Cetatea Alba la liberté de fréquenter les principaux centres économiques de son empire, Constantinople, Andrinople et Brousse, consommant ainsi la réconciliation moldo-ottomane.Cette série d'accords concomitants et parallèles qui liaient la Moldavie à la Pologne, d'un côté, et à l'Empire ottoman de l'autre, a engendré un rapport durable non seulement entre la Principauté moldave et ses deux partenaires, mais en même temps entre ces deux grandes puissances elles-mêmes. L'une et l'autre trouvaient leur profit dans un compromis qui leur permettait d'éviter un choc et de consacrer leurs forces aux tâches prioritaires qu'elles avaient assignées à leur politique extérieure: la Pologne en direction de la mer Baltique et l'Empire ottoman dans le nord-ouest de la Péninsule Balkanique et dans la Mer Egée.La Moldavie, en acceptant de se soumettre au tribut que lui avait imposé la Porte - à une époque où elle s'était liée plus étroitement que jamais à la Pologne - ne pouvait agir que de concert avec la puissance suzeraine. Un éminent spécialiste de l'histoire de Pologne, Jacob Caro, avait d'ailleurs depuis longtemps remarqué que la décision de la Moldavie de se soumettre aux exigences de la Porte avait été prise avec le consentement du roi de Pologne: "Dass er (Pierre Aron) bald darauf (après la conclusion du second accord avec la Pologne) dem Sultan einen Tribut von 2000 Dukaten anbot, um sich von den Türken Ruhe zu schaffen, ist doch nicht gegen den Willen des Königs geschehen".Ce rapprochement de fait et encore indirect entre la Pologne et l'Empire ottoman devait d'ailleurs préparer la voie à des négociations directes et même à une coopération entre les deux puissances, au cours des années suivantes. La tendance de plus en plus évidente de la Pologne de s'entendre avec les Turcs n'a d'ailleurs pas été ignorée par les puissances européennes. C'est justement pour mettre un terme à cette politique que le Pape Callixte III lança, le 13 mai 1458, son appel au roi Casimir. Cet appel qui mettait le roi en garde contre toute entente avec le sultan, révèle l'inquiétude que l'attitude de la Pologne avait suscitée en Europe dans les cercles favorables à la guerre anti-ottomane. Pour restaurer la confiance entre le Saint Siège et la Pologne, le Pape posait au roi deux conditions: "unum ut te omni benevolentia et caritate cum principibus christianis et finitimis, et presertim cum Imperatore et Rege Hungarie te iungas, eosque tibi concilies; secundum, ut pacis seu treugarum faciendarum cum perfido Turcho conciones nullas acceptes, sed ne verbum quidem de eis faciendis patiaris fieri, idque sub anathematis et maledictionis perpetue pena tue Serenitati precipimus et mandamus". Une année plus tard, au congrès de Mantoue, spécialement convoqué par Pie II pour délibérer de la croisade contre les Turcs, l'attitude de la Pologne fut tout aussi décevante. Reprenant les thèses désormais tradi­tionnelles de la diplomatie polonaise, le représentant du roi Casimir refusait catégoriquement à engager son pays dans la guerre anti-ottomane en voie de préparation, du moins pour la durée du conflit avec l'Ordre teutonique et tant que les revendications de la Pologne n'auraient pas été satisfaites; le Pape, pour sa part, était trop lié aux intérêts de l'Ordre pour consentir des concessions en la matière. Et l'année 1460 devait enregistrer un nouveau pas dans la direction du rapprochement polono-turc. Le 15 décembre 1460, le roi Casimir accordait aux commerçants venant de l'Empire ottoman la liberté totale à l'intérieur de son royaume, réplique polonaise à une mesure identique adoptée par le sultan. Un rapprochement avec les Tatars de Crimée au cours de l'année 1461 allait préparer la voie à une nouvelle entente de la Pologne avec les Turcs, au début de l'année 1462. Informée des négociations poursuivies entre la Pologne et l'Empire ottoman, Caffa s'efforçait de se mettre à l'abri d'une éventuelle nouvelle agression ottomane en invoquant la protection formelle du roi Casimir: "Scimus jam diu serenissimam celsitudinem vestram cum ipso tartaro pacem et fedus percussisse, et in eius amicitia perseverare. Audivimus preterea eandem serenissimam celsitudinem vestram cum rege theucrorum tractare quedam tanquam principia amicitie, que res ad scribendum nos precipue incitavit… Nos itaque in tanto metu ac periculo constituti, anxii salutis nostre, suppliciter oramus vestram maiestatem, ut si cum rege turcorum vel fedus vel pactum vel alicuius generis amicitiam facitis, Caffam in eis inseratis tanquam amicam, vel subditam vel utcunque placet serenitati et majestati tue commendatam".Les négociations polono-ottomanes auxquelles fait allusion le message de Caffa et qui, selon les informations des Génois, étaient en train d'aboutir à une réglementation "amicale" (quedam tanquam principia amicitiae) sinon même à un véritable traité (fedus vel pactum), ont préludé à une véritable "coordination" des actions des deux puissances, au cours de cette même année 1462. Et ce fut encore la Moldavie qui devait être l'instrument de ce nouveau rapprochement.Le voïvode Pierre Aron avait été chassé entre temps du pouvoir par un nouveau prétendant dont l'action initiale s'est probablement déroulée dans le contexte d'un nouvel et dernier effort de récupération des deux principautés roumaines par Jean Hunyadi. En effet, à la veille de son affrontement avec Mehmet II à Belgrade, Hunyadi avait réussi à ramener à nouveau sous son obédience la Valachie où il avait instauré au pouvoir le voïvode Vlad l'Empaleur, son fidèle. Suivant probablement cette impulsion première, d'après un plan préétabli, le prétendant Etienne, qui devait marquer la page la plus glorieuse de l'histoire roumaine au Moyen Âge, entra en Moldavie à la tête d'une troupe qui avait été mise à sa disposition par le voïvode récemment instauré en Valachie. L'événement s'est probablement passé dans la seconde moitié de l'année 1456; de toute façon, au cours du printemps de l'année suivante il réussit à éliminer le voïvode régnant qui s'enfuit en Pologne. Mais deux années plus tard à peine, abandonnant les alliés qui l'avaient porté au trône, le nouveau voïvode faisait lui aussi sa paix avec la Pologne (avril 1459). Ce faisant, il ne pouvait que s'intégrer, comme son prédécesseur d'ailleurs, dans le système de politique extérieure de la puissance suzeraine, c'est-à-dire se plier à l'accord polono-ottoman; il continua donc à verser régulièrement le tribut au sultan.La nouvelle direction dans laquelle s'était engagé Etienne dès 1459 allait immanquablement le mettre en conflit avec ses alliés de la veille, la Hongrie et la Valachie. Les premiers indices du conflit n'ont d'ailleurs pas tardé à apparaître; dès l'année suivante (octobre 1460), le voïvode Vlad l'Empaleur de Valachie cherchait à s'assurer du concours armé des Saxons de Transylvanie pour l'éventualité d'une attaque moldave ou ottomane. Le retour d'Etienne à la politique de son prédécesseur et son alignement sur la Pologne et l'Empire ottoman était donc un fait non seulement accompli à cette date, mais qui portait déjà ses fruits. Deux années plus tard, cette nouvelle direction politique devait connaître une manifestation encore plus éclatante.C'est la grande campagne du sultan Mehmet II contre la Valachie de Vlad l'Empaleur qui allait faire fonction de fait révélateur et jeter une vive lumière sur le groupement des puissances dans cette partie de l'Europe. En effet, tandis que Vlad l'Empaleur commençait à céder le terrain sous la pression ottomane, faute d'une assistance effective de la part de son suzerain hongrois, le voïvode moldave, étayé, du moins au point de vue diplomatique, par son suzerain polonais, envers lequel il avait renouvelé l'engagement vassalique le 2 mars 1462 - coïncidence chronologique remarquable avec les négociations polono-turques ci-dessus évoquées - attaquait Kilia conjointement à une flotte du sultan. L'échec de cette première tentative de récupération de Kilia ne modifie en rien le sens de l'action du voïvode Etienne qui, après avoir renouvelé son alliance avec la Pologne et sous le patronage de son suzerain polonais, attaquait en même temps que les Turcs - avec lesquels la Pologne avait précédemment établi des liens étroits d'amitié sinon même d'alliance - cette clef du Bas-Danube qu'était la forteresse de Kilia et qui était un avant-poste de la Hongrie et de la Valachie. Autant dire que l'entente polono-mol­do-ottomane réalisée dans les années 1455–1456 s'était muée au bout de quelques années en une véritable coopération politique et même militaire.Cette solidarité à trois qui au moment critique de l'attaque ottomane contre la Valachie avait cédé la place à une véritable coopération militaire ne devait prendre fin qu'avec le changement de front de la Moldavie, à partir de 1470. En effet, à partir de cette année le voïvode Etienne inaugura la série de ses campagnes contre la Valachie qui était tombée après 1462 sous la coupe du sultan; au bout de trois années, ces campagnes réitérées devaient le mettre en conflit direct avec l'Empire ottoman et ouvrir l'une des étapes les plus importantes de sa politique extérieure. Fait remarquable, ce tournant de la politique moldave allait éloigner la Moldavie de la Pologne et même provoquer une tension grave entre les deux pays, tandis qu'un rapprochement s'esquissait en même temps entre la Moldavie et la Hongrie, rapprochement qui a abouti même, en 1475, à une véritable alliance antiottomane. Il est temps de conclure: la Moldavie a accepté la condition d'Etat tributaire de la Porte ottomane dans les années 1455-1456 avec le consentement de la Pologne. Le lien ainsi créé entre la Moldavie et la Porte ottomane a été l'expression d'un compromis polono-turc réalisé par l'entremise de la Moldavie. Ce compromis a permis aux deux grandes puissances contractantes de maintenir la paix entre elles et de concentrer leurs efforts militaires dans d'autres directions. En 1462, la Moldavie, avec le consentement et l'encouragement même de la Pologne, a synchronisé avec les Turcs son action militaire dirigée contre la Hongrie et la Valachie. L'action commune de 1462 avait été précédée et préparée par les négociations polono-turques qui avaient eu lieu au début de la même année. Cette ligne de force de la situation internationale en Europe orientale devait se prolonger jusqu'au changement du front du voïvode moldave qui, à partir de 1470 et plus directement encore à partir de 1473, heurta les intérêts de l'Empire ottoman, ce qui le mit finalement en conflit avec le sultan. Même dans ces conditions, la Pologne n'abandonna pas sa politique d'entente avec la Porte ottomane, politique qui ne devait subir sa première suspension, de courte durée d'ailleurs, que dans les années qui ont suivi l'occupation de Kilia et de Cetatea Alba par le sultan Bajazet II en 1484.


by Şerban Papacostea