Choix De Textes

POEMES I JOURNAL D'UN TEMPS HABITE (1980)ID'abord la merœil clignait sur le sableressac au rythme du cœurcontour effeuillé par le ventsouvenir du sommeil puis les jardinsde lilas de cerisespalissades chemins le pas des autresSous le bleu parasol des matinsà cloche-pied direction la villeAccroché au néon où la pierre prend feule lait devenu os ne s'étonne plusdes avionsni des élections présidentielles L'aventure s'allumeà la flamme rousse des écureuilssur le sentier qui suspend la clairièreau soleilTroués de cielles charmes se partagent la voix des fougèreset la source nous passe ses menottes de soie POEMES I (SEPT. 1989) XIIIDouces les collinestremblent dans l'air nuDu cœur des ravinesnul n'est revenuLa pensée chemineprès de l'inconnu Aux champs l'on engerbed'étranges trésorsLa houle superberecouvre les portsQuelquefois sur l'herbeun chêne s'endort Dans la défiancede l'orme et du valun liseron danseentre bien et malQui mettra une anseau ciel de cristal? POEMES IIDans l'espace blessé par la rueperce le souffle des grands buissons fauvespelotonnés sous l'asphalteChaque paroi joue au cadran solaireDes rires d'enfantssur le trottoir sont ombres d'hirondellesTiens! ce balcon s'excuse à coups de clématites:juin sur la ville courbe ses parfums et m'enfermedans une rose de paresse *Moisson de l'oreille:moineaux le vent contre les tours et l'asphalte froisséces moteurs ces voix un sifflet une balleProlonger l'ouïe jusqu'au lourd frottement des couches de la terre,jusqu'aux veines pliant sous le sang, au terreau déplacé par les pousses.Percevoir le grondement de cette bouffée de parfum qui me vientdu rosier enraciné dans ton frontet la vibration perpétuée jusqu'à la fin des sièclesde cette larme un jour qui s'infiltradans la taie d'oreiller cent fois depuis lavée POEMES IIsous le ciel blondles flammes fraîchesdes peupliers un match de basket les hourrassur le terrain de l'école quelques bébés des chiensautour des toboggansdu parc ovale Annabelwhere are you my jolie bellele soir monte sous le soleil mûr et pendant tout ce tempsà notre insus'enfoncent peu à peudans le terreau de nos cœursde larges pans de mythes écroulés POEMES IIon gémissait dans ce rêvec'était long, épuisantinsoutenable avant d'ouvrir les yeuxje sus déjà qui porterait bientôtcette souffrance aurons-nous la force– le balancier émiettait la nuit –et si les jours recommençaient tout à coupà décroître puis l'aube pressa de tout son poidssur les ténèbres quand j'ouvris la fenêtreun coup de vent aspira la page du soirsans émoi je la regardai tournoyerau loin sur la neige * je voulais presser le temps comme un souffletpour faire entrer de façon bien visibledans le présentce qui fut et ce qui sera j'espérais finir ces verspar une belle image réconfortanteoù s'épanouiraient les pétales du cœur certains soirs j'ai rêvé de donner à ma viesinon la courbe d'une aurorecelle du moins que décrit dans sa chuteune fleur de tilleul mais je ne peux paschacun de nous si loin qu'on puisse voirexhibe une plaie des êtres masqués piétinent les pages en feudans un temps figécomme un oiseau mort * il jouait au billard avec des têtesfraîchement coupéesune passion qui ne le lâchait pas le son lui plaisait surtoutde la rencontre entre un front et un crâneparfois il visait aussi quelque narineoù la fine pointe de bois s'enfonçait sans bruit un jour une tête assez bellelaissa couler d'un œil une si lourde larmeque le tapis en fut brûlé jusqu'aux bords il s'arrêta contrarié surprison put voir un instant sur la bandesa main immobile puis il se remit à jouer parce que c'étaitcette chose-là qu'il savait fairenettement mieux que tous les autres vivants


by Annie Bentoiu