
Le projet numérique «Le théâtre en temps de pandémie », qui comprend une série de trois vidéos enregistrées par le critique de théâtre George Banu, porte à l'attention du public un sujet très débattu à cette période : les arts du spectacle en période de pandémie. Le thème est abordé par le professeur George Banu, un spécialiste lié aux scènes culturelles européennes les plus importantes, afin que le public puisse suivre l'exposition de la vision unique du retour du masque dans l'espace quotidien, à la fois comme élément protecteur et comme symbole de la dramaturgie.
Les trois épisodes du projet seront diffusés exclusivement sur les canaux de communication de l'Institut culturel roumain Bruxelles, du 7 août au 2 septembre, et illustreront comment le théâtre s'articule autour de trois thèmes distincts, dans le contexte actuel.
Dans le premier épisode, qui sera présenté le vendredi 7 août, la relation entre le théâtre et le masque est abordée. Depuis ses origines, des Grecs, le théâtre est indissociable du masque, qu'il soit tragique ou comique. Ensemble, ils l'ont défini et ont servi d'emblème. Ensuite, le masque devient un outil de jeu cultivé par les acteurs italiens de la commedia dell'arte qui, grâce à elle, ont créé une véritable galerie de types humains : Arlechino, Pantalone, Brighella. Le masque était un outil, mais aussi une métaphore du théâtre comme exercice trompeur et illusoire. Peu à peu, le masque disparaîtra, permettant aux identités individuelles de s'exposer, mais la référence persiste et confirme l'adage shakespearien selon lequel « le monde est une scène » et chacun, en l'adoptant, joue son rôle. Le masque est, en revanche, un instrument privilégié, indissociable du théâtre oriental, japonais ou balinais, qui a inspiré de nombreux artistes modernes comme Giorgio Strehler ou Ariane Mnoiuchkine. Après les anciens modèles de masques, à présent généralement abandonnés, oubliés, on assiste à un « retour » du masque, sur la scène de l'humanité.
Le théâtre et la ville est le thème de la deuxième conférence, tenue par le professeur George Banu le mercredi 19 août, au cours de laquelle les valences du théâtre en tant qu'art urbain, inséparable de la ville, sont analysées. Où se situent les théâtres, selon les époques et leur statut, est une question qui implique la réponse au rapport au pouvoir et à ses modes d'intervention. Le théâtre a changé d'emplacement au XXe siècle et s'est dispersé dans des endroits marginaux ou investi dans des bâtiments non théâtraux. Ses métamorphoses sont strictement associées à cette exploration des ressources urbaines par les grands metteurs en scène qui ont travaillé au siècle dernier, de Max Reinhardt à Salzbourg à Jean Vilar à Avignon ou Ariane Mnouchkine au monastère des Chartreux de Vincennes. Le théâtre a quitté son édifice pour se manifester dans des lieux abandonnés qu'il a recyclés ou dans des lieux secrets, privés, dans des appartements et des abris improvisés. Après ces expéditions extra-muros, il revient et se réconcilie avec les anciennes salles « rouge et or », berceau du théâtre européen.
La troisième conférence, qui sera présentée par l’ICR
Bruxelles le mercredi 2 septembre, abordera un thème déterminant des arts en
général, le théâtre et le temps.
« Le théâtre est un art du partage et de la communauté, de l’échange humain ici et maintenant … par ces temps – ci il se trouve atteint dans sa raison d’être. J’essaie de vous restituer le goût du théâtre aujourd’hui quand les rassemblements sont sévèrement censurés et les salles restent fermées. Le théâtre a fait du masque son outil et son emblème. Le masque permet la représentation de l’autre, le double de l’individu vivant. Le masque renvoie à la pratique du théâtre et à la beauté de la sculpture artisanale. Le masque, on l’aime, parce qu’il camouffle et révèle ! A travers le temps, le théâtre a commencé par se manifester en plein air, en Grèce, pour ensuite envahir les villes et finir par se constituer un lieu propre. Lieu emblématique dont il reste indissociable. Mais, aujourd’hui il se dissémine dans d’autres espaces et j’aime souvent partir à sa découverte ! Le théâtre est un art du présent et c’est la raison pour laquelle il cherche à découvrir et à révéler …l’esprit du temps ! Esprit du temps qui lui accorde la possibilité de communiquer avec un public présent, de partager avec lui ses angoisses et ses joies.
C’est pourquoi j’aime et je fréquente le théâtre. J’attends les retrouvailles avec lui. », fut la confession du professeur.
George Banu est professeur d'études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle et essayiste de renommée mondiale. En 1974, il s'installe en France où il poursuit sa carrière universitaire commencée en Roumanie. Il est président honoraire de l'Association internationale des critiques de théâtre et docteur honoris causa de plusieurs universités européennes. Il a publié de nombreux livres et essais sur des metteurs en scène européens, en particulier Peter Brook, Kl. Michael Grüber, Giorgio Strehler, Antoine Vitez, Ariane Mnouchkine. Il est l'auteur d'une trilogie autour du théâtre et de la peinture : "Le Rideau", "L'Homme de dos" et "Nocturnes" (éd. Adam Biro) et d'une autre trilogie qui réunit "L'Oubli", "Le Repos" et "La Nuit" (Les solitaires intempestifs). Son œuvre "Le Rouge et or" (éd. Flammarion / Rizzoli) est un ouvrage de référence pour la poétique du théâtre italien. Il a consacré un essai intitulé "Notre théâtre, La Cerisaie" (éd. Actes Sud) au chef-d’œuvre de Tchekhov et un autre au théâtre japonais, "L’acteur qui ne revient pas" (éd. Gallimard). Il a reçu trois fois le prix du meilleur livre de théâtre en France. Ses textes sont traduits en italien, allemand, espagnol, russe, roumain, hongrois, slovaque.
Photo: Mihaela Marin