Tudor Octavian: Chez moi, à Paris

De nombreux Roumains, et même de très nombreux Roumains, quittent leur pays pour aller dans le monde et se retrouver chez eux, à la maison, dans tous les coins du monde, sur tous les continents. C’est un fait. Depuis 1990, c’est devenu naturel et les raisons en sont multiples et trop personnelles pour en dresser l’inventaire. Une de mes filles, parcourant le monde avec un besoin longtemps passé sous silence pour le connaître, est partie dans les dix ans qui viennent de s’écouler de la maison, de Bucarest, pour venir, toujours à la maison, à Paris, où elle s’est mariée, a deux enfants et un emploi stable. Jusqu’à ce que je lise le livre de Jean-Yves Conrad, „Roumanie... capitale Paris”, je parcourais la ville, carte en main, cherchant à me fixer sentimentalement et à m’approprier affectivement la géographie. Le guide de ce Français est un guide de la roumanité parisienne, un guide des lieux qui ont acquis une identité spirituelle par la présence d’illustres compatriotes. Ainsi, j’ai, depuis lors, de par ce travail culturel intense, une seconde géographie, une plus personnelle de Paris que je me suis constituée et qui est bien plus agréable que celle des plans du métro.
Récemment, j’ai senti le besoin de battre à la porte de l’Iinstitut Culturel Roumain de Paris, situé rue de l’Exposition. Je dis volontairement invitation, dès lors que je me suis trouvé à de multiples reprises à proximité et que j’ai été en représentation publique, pour ainsi dire, à deux reprises lors d’une fête nationale à l’ambassade. L’Institut Culturel Roumain de Paris fut ainsi l’un des derniers points de Paris à profond ancrage roumain où je n’avais pas mis les pieds. De toute façon; du fait des informations confuses et détournées politiquement en Roumanie relatives aux Instituts Culturels Roumains de l’étranger. Par la suite, j’ai sonné à la porte de l’Institut Culturel Roumain de Paris avec un vague sentiment de culpabilité. Ce n’était pas la première fois que je me sentais coupable par le fait de la bêtise d’autrui. Et le miracle s’est produit : j’ai été reçu dans la bibliothèque de l’Institut Culturel Roumain de Paris, avec ses 16.ooo volumes, et je me suis senti chez moi dès la première seconde. Peut-être parce que je passe le plus clair de ma vie dans les bibliothèques. Durant deux heures, je me suis lié d’amitié avec Madame Doina Marian et avec Monsieur Silviu Popescu. D’ailleurs, le mot amitié prend ici sa juste dimension. Plus tu te trouves loin de ton pays, plus tu ressens vite le besoin d’avoir des connaissances communes; des amitiés intéressantes et des liens de famille avec les Roumains. Dès lors, il ne m’a paru aucunement choquant qu’aussi bien avec Madame Marian qu’avec l’ancien journaliste Silviu Popescu j’aie trouvé rapidement bien plus de points d’accroche, qui nous permettent de sympathiser, que des choses qui nous diviseraient.
C’est bien là l’état d’esprit que vit le Roumain lorsqu’il franchit le seuil de l’Institut Culturel Roumain de Paris. Il déambule, continue à marcher et se perd, comme s’il ne savait pas quoi et comment le chercher et, tout à coup, une porte s’ouvre et tout, dans les alentours lui paraît si familier et tout lui paraît si bien comme chez lui, en Roumanie.
Combien de fois me suis-je demandé si je devais faire une chose ou ne pas la faire, si je devais aller une fois vers l’inconnu, si je devais écrire un livre qui demande beaucoup de travail, énormément de travail. Alors, la réponse vient immédiatement, réponse qui constitue une motivation : oui, pourquoi pas ? Et je me souviens alors immédiatement de ce que m’a dit un Roumain de New-York que j’interrogeais sur le pourquoi il tenait à se rendre absolument à notre Institut Culturel Roumain situé dans la 39e Rue ? Où savoir, m’a-t’il répondu, aies un peu de patience pour apprendre ce que nous saurons là-bas !