L’Athénée roumain, lieu culturel emblématique inscrit dans le patrimoine européen

À l’occasion de l’attribution du label du patrimoine européen à l’Athénée roumain en 2024, l’Institut culturel roumain de Paris, en partenariat avec l’Ambassade de Roumanie à Paris et la Philharmonie « George Enescu », inaugurera l’exposition en plein air « L’Athénée roumain, une histoire européenne ». Sur les murs extérieurs des jardins de l’Hôtel de Béhague, Résidence de Roumanie en France | 22-24 avenue Bosquet, 75007 Paris

L’Athénée roumain est un symbole culturel majeur, véritable hommage à l’identité nationale et à la modernisation de la Roumanie à la fin du XIXe siècle.

Porté par une ferme détermination, Constantin Esarcu a consacré toutes ses forces à la recherche d’une solution durable pour édifier un siège digne de l’Athénée. En 1885, afin de réunir les fonds nécessaires, une loterie publique fut mise en place. Le 30 novembre, à l’occasion d’un bal organisé au Théâtre National, le billet gagnant fut tiré au sort parmi les 12300 billets émis, chacun au prix symbolique d’un leu. C’est dans ce contexte que fut lancée la célèbre devise : « Donnez un leu pour l’Athénée ! »

Véritable temple de la musique classique en Roumanie, l’Athénée, situé au centre de Bucarest, sur la prestigieuse Calea Victoriei, fut inauguré en 1888 et achevé en 1897.

Pièce  maîtresse d’architecture éclectique, mêlant harmonieusement le style néoclassique à des éléments baroques, il est l’œuvre de les architectesAlbert Galeron et Ion Băicoianu, plus tard Leonida Negoescu, ainsi que l’ingénieur Schwalbach, ont conçu la structure, tandis que la maison Beuchelt a réalisé l’ossature métallique. L’ornementation du fond de scène de la salle de concert a été confiée à l’architecte italien Lerdel. La grande fresque murale est l’œuvre du peintre Costin Petrescu, tandis que le sculpteur Carol Storck a façonné les escaliers en pierre de Rusciuc, de Câmpulung et de Carrare. Les travaux de ferblanterie ont été exécutés par Theodor Georgeski, et les majestueuses portes en bronze, dessinées par Galeron, ont été réalisées par Giorgio Vasilescu. Enfin, les élégants décors en stuc imitant le marbre ont été créés par Fr. Bohaker, puis par les frères Axerio.

L’Athénée se distingue par sa volumétrie parfaitement symétrique, reflétée également dans la répartition ordonnée des espaces intérieurs. Sa façade principale impressionne par un portique colossal composé de huit colonnes ioniques, et huit colonnes engagées avec chapiteaux doriques-toscans surmonté d’un fronton monumental encadrant l’entrée principale.

Bien que l'architecture du bâtiment évoque l'héritage classique européen provenant d'un passé lointain, la technique de construction, en revanche, était à la pointe de la modernité : maçonnerie avec armature métallique (système utilisé à l'époque pour les bâtiments à grandes ouvertures) et verrières avec structure métallique. Il convient de rappeler qu'ici, pour la première fois dans le vieux royaume, le système Monier a été utilisé, lequel a conduit au développement du béton armé.

Contrairement à l'extérieur sobre, revêtu de pierre blanche et de simple enduit, les intérieurs se distinguent par une décoration et une palette chromatique d'une grande richesse,ainsi que par laqualité exceptionnelle du décor en marbre artificiel produit par l'entreprise des frères Pietro et Giovanni Axerio, artisans italiens établis en Roumanie.

L'intérieur est subtilement hiérarchisé selon la fonction et l'importance de chaque espace. Le bâtiment se distingue par deux grands espaces circulaires, au premier étage : la salle de concerts, d'un diamètre de près de 30 mètres, couverte par une large coupole, et, au rez-de-chaussée, le foyer avec sa rotonde centrale, délimitée par 12 colonnes, et les quatre escaliers en marbre de Carrare. L'escalier d'honneur comporte deux rampes courbes et est situé du côté opposé à l'entrée principale. L'agencement du foyer sous la salle et non devant elle, comme c'est habituellement le cas, a été conditionné par le manque d'espace, car le terrain où est aménagé le jardin public n’était pas la propriété de la Société« Ateneul Român». Sous forme circulaire, la grande salle, espace principal de l'Athénée, a un diamètre de 30 mètres et une capacité de 794 places, tant en stalles qu'en loges, disposées en amphithéâtre. La frise au-dessus des loges est occupée par la Grande Fresque de l'Athénée, réalisée par le peintre Costin Petrescu, inaugurée en 1939. Les 24 scènes illustrent des moments importants de l'histoire de la Roumanie. La même année, en 1939, l'orgue de concert, construit par le renommé Oscar Walcker, a été inauguré grâce aux fonds collectés par la campagne organisée par George Enesco.

Depuis 1889, date de l'achèvement de la salle de concerts, l'Athénée Roumain est devenu le siège de l'orchestre symphonique professionnel de Bucarest, fondé en 1868 sous le nom de« Société Philharmonique Roumaine», dont l'objectif était« de propager le goût et la culture de la musique symphonique et de populariser les chefs-d'œuvre des maîtres classiques». À partir de 1907, des noms importants de la musique classique du monde entier ont joué le rôle de chefs d'orchestre ou de solistes sur la scène de l'Athénée Roumain, à commencer par : Pietro Mascagni, suivi de Siegfried Wagner ou George Enescu, puis Arthur Rubinstein, Clara Haskil, Eugène Ysaÿe, Carl Flesch ; pendant la période 1920-1940, on retrouve à la direction de l'orchestre symphonique Richard Strauss, Maurice Ravel, Igor Stravinsky, puis Herbert von Karajan et Carl Böhm, George Georgescu, Ionel Perlea, George Enesco et Constantin Silvestri. Parmi les solistes invités, on comptait Alfred Cortot, Dinu Lipatti, Pablo Casals, David Oistrach, Lev Oborin, Claudio Arrau, Karol Szymanowski, Wilhelm Kempff, Arthur Rubinstein, Rudolf Serkin, Jose Iturbi ou Béla Bartók. La lignée des grands solistes a continué après la Seconde Guerre mondiale avec Yehudi Menuhin (1946), David Oistrach, Sviatoslav Richter, Valerii Klimov, Mstislav Rostropovich, Leonid Kogan, Josef Suk, Dmitri Bashkirov, Isaak Stern et Radu Lupu. Parmi les chefs d'orchestre invités figuraient Carlo Zecchi, John Barbirolli et Zubin Mehta.

Aujourd’hui l’Athénée roumain, propriété de l’État roumain et siège de la Philharmonie George Enescu, est un trésor culturel et architectural qui allie beauté, histoire et engagement social dans un processus dynamique, en constante évolution.

Le 17 avril 2024, lors d'une cérémonie qui s’est tenue à Anvers, la Commission européenne a décerné à l’Athénée roumain le Label du patrimoine européen, en reconnaissance de son rôle significatif dans l’histoire et la culture de l’Europe.