PRESENTATION

La revue que l'on connaît aujourd'hui sous le nom d'Euresis fut fondée en 1973. A ce moment-là, son titre était Cahiers Roumains d'Études Littèraires (C.R.E.L.). La revue paraissait sous l'égide des éditions Univers, directeur Romul Munteanu, qui en assuraient le financement. Adrian Marino à qui la direction de la jeune revue fut confiée se consacra à cette tâche avec un dévouement exemplaire, il veilla à son contenu intellectuel ainsi qu'à sa diffusion à l'étranger. C.R.E.L commença son tour du monde et s'installa dans nombre de bibliothèques d'Europe et des Etats Unis: je fus agréablement surpris de la découvrir dans la très sélective Bibliothèque „Nobel" de Stockholm. Lorsque, en 1990, je fus nommé à la tête des éditions Univers, les pénibles conditions d'une économie de transition limitèrent à un ou deux numéros annuels le nombre des parutions; pour compenser, nous avons doublé le nombre des pages et avons décidé que désormais, tous les numéros de la revue seront des numéros thématiques.

Les premières revues d'après 1990 furent consacrées aux „relations culturelles franco-roumaines" et „aux interférences spirituelles roumaines-helvétiques"; le numéro suivant s'occupait de l'exil en général et des écrivains roumains en exil. Vinrent après L'avant-garde roumaine en contexte européen, Le postmodernisme dans la littérature roumaine, Le bilan du poststructuralisme, Changement de canon chez nous et ailleurs etc. Aux écrivains roumains de toutes les générations nous avons joints des auteurs étrangers de taille: Jean Rousset, Jean Starobinski, Jacques Derrida, Gianni Vattimo, Linda Hutcheon, Mihály Szegedy-Maszák etc. A maintes reprise, la rédaction de la revue a demandé, et a obtenu, la collaboration d'intellectuels roumains renommés de la diaspora: Matei Călinescu, Virgil Nemoianu, Thomas Pavel, Marcel Corniş-Pop etc.

En 1993, j'ai décidé le changement du nom de la revue: Euresis, dans mon intention, allait attirer l'attention sur le genre proche (celui de la recherche et de la découverte intellectuelle) aux dépens de la différence spécifique (celle de l'appartenance nationale). Pourtant, il n'était pas question d'ignorer une précieuse continuité: l'ancien nom de la revue fut gardé en sous-titre.

Revue d'études, son public cible a été dès le début, il l'est encore, un public de spécialistes. Jusqu'en 1990, la revue s'adressait exclusivement presque à des spécialistes de la littérature. La culture roumaine a été dans une grande mesure (elle l'est restée, en partie) une culture surtout littéraire. Au début des années 2000, j'ai cru le moment venu d'élargir notre aire thématique, d'aller à la rencontre de toutes les sciences de l'homme et de toutes les composantes de la culture contemporaine. C'était une façon de rester en phase avec les changements importants survenus au cours des dernières décennies, de nous ouvrir aux promesses de l'interdisciplinarité. L'ancien titre, devenu sous-titre, fut donc augmenté: Cahiers Roumains d'Études Littèraires et culturelles.

Quand j'ai quitté le poste de directeur des éditions Univers, la revue a arrêté sa parution. Après des tentatives échouées auprès d'éditeurs privés, je me suis tourné en 2004 vers le direction de l'Istitut Culturel Roumain à qui j'ai demandé de ne pas laisser tomber une revue dont l'élément décisif était précisément sa diffusion à l'étranger. Je pensais qu'il était tout naturel pour l'institut d'accueillir cet effort de rayonnement international de la recherche humaniste en Roumanie, d'encourager cette tentative de construction d'un dialogue réel avec des partenaires et collègues d'ailleurs. Les deux présidents de l'ICR, messieurs Augustin Buzura et Horia Roman Patapievici, ont accepté de reprendre et de soutenir Euresis, sauvant ainsi de l'oubli un travail de presque quatre décennies et une tradition intellectuelle autochtone importante.

La nouvelle série de la revue a débuté par un numéro consacré à La mondialisation et ses défis culturels, un deuxième numéro fut consacré à Eugène Ionescu vu de Roumanie. Nous avons continué avec un numéro sur le (Post)Communisme et (Post)Colonialisme. Un autre numéro s'occupait du Destin d'Emil Cioran. Un numéro massif traitait du Corps sous tous ses aspects culturels, un autre était centré sur Mircea Eliade et le défi de l'histoire. Nous avons consacré un numéro substantiel à Fundoianu/Fondane (Appel à Fondane, l'appel de Fondane). Le dernier numéro en date examine le postmodernisme et son évolution dans la littérature et la culture roumaines (Le postmodernisme alors et maintenant).

Mircea Martin